La découverte d'une copie ancienne d'une "Apologie de Socrate", c'est l'heureuse surprise que vient de réserver à des chercheurs grecs l'application de la technologie de l'imagerie médicale à l'étude des palimpsestes, ces parchemins médiévaux portant plusieurs couches superposées d'écritures.

"Quand j'ai vu le nom de Socrate, j'ai eu un coup au coeur. En fait, c'est un texte déjà connu du grand rhéteur grec du 4ème siècle (de notre ère), Libanios, mais cela reste passionnant pour retracer l'histoire de l'écrit", affirme à l'AFP Agamemnon Tselikas. "Les écrits de Libanios étaient largement enseignés sous l'empire byzantin, en retrouver plusieurs est normal", ajoute-t-il.

Dans son bureau de l'Institut culturel de la Banque nationale de Grèce, ce spécialiste des textes anciens fait apparaître sur l'écran de son ordinateur la copie du 10ème siècle de "l'Apologie", sous un texte ultérieur, un extrait des Actes des apôtres conservé au patriarcat grec-orthodoxe de Jérusalem.

Pour lire le ou les textes anciens -certains palimpsestes portent trois couches manuscrites-, les spécialistes "avaient déjà commencé à se servir du photoshop (logiciel de travail sur les photographies), mais un pas supplémentaire été franchi avec l'imagerie médicale, qui permet, si les encres s'y prêtent, de ramener à la surface toute la première écriture, y compris les parties recouvertes par l'écrit ultérieur", explique-t-il.

Il revendique un copyright grec sur cette découverte, avec la mise au point par une société locale, Ford Photonics, en coopération avec un laboratoire universitaire de Crète de l'appareil "Musis", conçu au départ pour la détection de cellules cancéreuses.

Le principe est de "lire" le palimpseste avec tout le spectre chromatique, en le passant notamment aux infrarouges et ultraviolets, suivant une "idée lancée il y a quatre ou cinq ans par un étudiant, au cours d'un séminaire organisé par l'Institut".

Cette technique permet de préserver les différentes couches d'écriture alors qu'au "19ème siècle, l'usage d'acides pour dégager le texte le plus ancien a infligé des dommages irréparables". Elle s'annonce aussi prometteuse pour l'étude des papyrus, le support antique de l'écrit, supplanté par le parchemin à partir du 1er siècle de notre ère, relève-t-il.

Mais en matière de palimpsestes, produits "d'un recyclage imposé par la cherté du parchemin, dont la première couche était lavée et poncée", il juge toutefois "peu probable que l'on découvre des trésors inconnus".

La dernière grande trouvaille remonte à décembre 2003 quand 200 vers du poète grec Ménandre (3ème siècle avant notre ère) ont été retrouvés sous des homélies chrétiennes du 9ème siècle sur un palimpseste de la bibliothèque du Vatican.

"La plupart des palimpsestes, repérables à l'oeil nu, ont été étudiés au 19ème siècle, même s'ils n'ont pas été tous déchiffrés", indique M. Tselikas.

Une cinquantaine d'institutions de 26 pays, dont l'Institut dirigé par ce chercheur, n'en ont pas moins participé de novembre 2001 jusqu'en octobre dernier à un vaste programme européen, intitulé "Renaissance virtuelle", de recensement et digitalisation des palimpsestes grecs.

Quelque 800 palimpsestes byzantins et post-byzantins ont été inventoriés en Europe et aux Etats-Unis, "au terme d'acquisitions plus ou moins légales entamées par les érudits européens dès le 14ème siècle". Le Vatican et la Bibliothèque nationale de France en abritent en grand nombre, au côté des monastères orthodoxes du Mont-Athos et du Mont Sinaï (nord-est de la Grèce).

Cette "renaissance de tout un pan du patrimoine européen" ouvre, selon M. Tselikas, de nombreuses pistes à la recherche. "Comparer les variantes des textes, en dater et en situer la rédaction puis les tribulations, réunir des écrits dispersés au fil de la réutilisation des parchemins..." l'étude des palimpsestes, il n'en doute pas, peut encore dévoiler beaucoup de secrets.

jeudi 2 décembre 2004, AFP.